13-Anta !

1 février 2010

Nous ne pouvons plus jouer à Békaso, les voisins ne veulent plus entendre les Djembés. Les jeunes qui s’occupent de l’association nous on trouvé un lieu en dehors du quartier.

« Anta! Anta! Anta! » La voix d’Hélène résonne dans Békaso, puis de tous les étages, de toutes les chambres, l’écho se propage: « Anta! Anta!...».

Tout le monde sort avec son sac à dos, ses bouteilles d’eau et tout le monde s’amuse à répéter « Anta! Anta! ». "Anta" veux dire "Allez!" en Malinké, c’est rapidement devenu le mot d’ordre de regroupement pour chaque départ. On se retrouve devant Békaso sous les arbres, il est 9h30 il fait déjà bon. Abdullaï ouvre la porte du bus « Anta! », le "Anta" d'Abdullaï est vraiment le signal du départ. Nous montons dans le bus à 17 avec nos sacs, quatre par banquette, épaule contre épaule, cuisse contre cuisse.

Nos premiers mots une fois installés sont: « Abdullaï la vitre! ». A l’arrière une seule ouverture en pleine chaleur malienne, pas intérêt qu'Abdullai d’oublie de l’ouvrir!

 

Le Mercedes démarre, l’ouverture n’amène pas de l’air frais mais la poussière rouge de la rue. Abdullaï slalome entre les trous de la piste, les enfants, les chèvres, les chiens, puis d’un coup s’arrête! La piste sert aussi de terrain de foot aux jeunes du quartier. Le temps de finir l’action est nous redémarrons pour atteindre le goudron. C’est à partir de là que le talent de notre chauffeur va opérer. Il faut imaginer au bord de la route des étals de toutes sortes (fruits, légumes, tissus…) de chaque côté de la route. Beaucoup de monde autour de ses étals. Puis sur la route, des motos, de nombreuses motos avec une, deux voire trois personnes dessus, sans casque bien sur! Le clignotant ne sert pas à grand chose, l’équipement le plus important en Afrique est le klaxon.

 

Notre bus est loin d’être discret, 17 "toubabous" (blanc en Malinké) avec des appareils photos ça attire l’œil.

Dix minutes plus tard nous quittons le goudron pour reprendre une piste. Le décor est très différent du quartier où l’on loge, qui est résidentielle. Ici le quartier est sale, il y a beaucoup d’ordures sur le bord de la route est dans le caniveau. Nous passons devant des chargements de bois, les ouvriers sont allongés dessous, à l'ombre pour la pause. Puis on bifurque sur la droite, on passe devant un grand groupe de lingères qui à notre passage s’arrête, le temps de lever la tête pour voir passer ce chargement avec autant de blanc.

 

Puis on entend crier « Toubabou! Toubabou! », des voix d’enfants nous arrivent, eux aussi on aperçu le fourgon. Puis on prend sur la gauche entre deux maisons, une piste au milieu des champs. Plus on avance, plus on découvre des plantations, des cultures de toutes sortes. Nous arrivons dans un petit bourg, que nous prendrons l’habitude d’appeler "le bidonville".

 


 

Le bus est accueillit par des enfants au large sourire. Nous descendons et nous nous faufilons entre les murs rouges en terre. « Iniké! Ça va? » quand on croise quelqu’un.

 

 

Puis on découvre l’endroit qui nous a été réservé pour les cours. Des nattes ont été disposées sur le sol pour éviter que la poussière ne vole et de grands bancs  autour d’un immense arbre qui nous protégera toute la journée du soleil.

 

 

Et puis on découvre la vue… La vue, c’est le fleuve Niger devant nous à 100m avec des pirogues de pécheurs, une île avec des baobabs...

 

 

Voilà dans quelle condition nous allons suivre l’enseignement de Famoudou! Des conditions de rêve!

On s'installe, chacun choisit sa place. Pour moi c'est un choix cornélien: est ce que je tourne le dos au fleuve Niger ou alors je me mets face à lui?... Mais je prends le risque de me mettre à rêver pendant que je joue le rythme...

Une fois que nous installés, se met en place discrètement autour de nous une véritable masse d’enfants. Des enfants qui rient, qui pleurent, qui mangent des mangue, qui portent des plus petit sur le dos...

Puis lorsque nous commençons à jouer, nous sommes complètement encerclés. Au bout de quelques minutes, je sens de petites mains baladeuses... des petites mains qui attrapent ma tresse et la refont correctement. Quand les enfants commencent à être bruyants, un des hommes du village se lève avec un fouet, le brandit et vient les chasser. Les enfants déguerpissent à toute vitesse, dans tous les sens, les petits pleurent, les plus grands rigolent...

 

 

Le cours peut commencer, l'heure de la prière est passée. Tout le monde tapote son instrument et puis… silence... Famoudou vient de commencer à parler. Il nous explique la signification du rythme, la provenance, pourquoi il est joué, il nous raconte une petite histoire, entonne un chant…

Puis Famoudou met en route le rythme avec ses musiciens : Bandjou à la Dundun, Mamady au Sangban, Fanta et Fodé aux Kenkeni et M’Bandi et Sékou aux Djembés.

Famoudou nous fait répéter les solos assez complexe dans le placement pour certains. Nous partons pour 1h30 de pratique intensive. Famoudou nous décortique chaque phrasé traditionnel de solo. C'est une mémoire vivante de la musique Malinké!

 

 

Nous faisons une petite pause. J’en profite pour aller au bord du fleuve. Il faut passer entres les carrés de cultures, j’espère passer au bon endroit. Je m'arrête pour aider un petit garçon qui porte des arrosoirs plus grands que lui. Je lui propose d'en prendre un et fait avec lui 3, 4 voyages.

 

 

Je passe près de 3 jeunes filles qui lavent le linge dans l'eau trouble du fleuve. Quelques chuchotements, des rires étouffés, elles doivent bien se moquer de ces "Toubabous" avec leurs appareils photos qui prennent tout ce qu'ils peuvent pour ramener chez eux des bouts d'Afrique.

Mon regard se perd au loin sur de frêles pirogues de pécheurs et sur les majestueux baobabs de l'autre côté du fleuve…

 

 

 

Puis quelques Djembés se remettent à jouer, c’est le signal de la reprise du cours.

 Je retourne sous l’arbre, nous recommençons le cours. Je suis vraiment bien! Je regarde Famoudou qui joue, il a les yeux fermés, il sourit… je regarde Mamady c’est pareil… je croise le regard de Fanta on s’échange un sourire… je regarde le fleuve en jouant… je crois que je sais ce qu’est le bonheur à cet instant…

Le soleil commence à descendre sur les cultures, il fait moins chaud. L'heure de plier bagage arrive.

Quelle belle journée!

 

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